Sabine Sicaud

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Je sais un tunnel, un tunnel au porche vert,
                    Où nul train ne passe…
L’été, le soleil y sème, de place en place,
          De petites mosaïques ; l’hiver,
La neige le fleurit de blanc ; mais il est vert,
Tout vert dessous, et les moineaux s’y tassent,
Chaque soir, en pelotes grises, par milliers.

Est-ce un vrai tunnel ? Au bout, je vois la terrasse,
La maison pâle, un massif dépouillé.
C’est l’automne.  Le vent pousse des feuilles mortes ;
                    Il les pousse longtemps…
                              Qu’importe !
          Le tunnel s’en moque.  J’entends
                    Remuer ses feuilles vivantes.

          Elles disent au vent  : «  Tu vois ;
          Nos petites lames tranchantes ?
Ce sont des couteaux verts, des sabres que tes doigts
          Ne détacheront pas de leur tige.  Tu vois,
          Nous sommes là depuis les vieilles guerres
                              Et nous serons
De la prochaine guerre… Vois nos lames claires ! »

Et le vent dit  : « Les houx eux-mêmes sécheront,
Et l’aloès féroce aux fleurs de braise,
Et l’yucca de métal sombre, et le cactus…
Et vous n’êtes que des roseaux, pas plus. »
Et moi je dis à mon tunnel, pour qu’il se taise  :
« Ô beau tunnel, soyez béni d’être en roseaux !
Vous êtes la chapelle verte des oiseaux ;
L’allée où, comme une princesse japonaise,
Je me promène sous des palmes, en rêvant.

Pour moi, vos feuilles sont de gais poissons vivants,
Des éventails de soie au long manche de jade,
L’aigrette que portait au front Shéhérazade ;
Les oriflammes d’un cortège, les rubans
De la houlette qu’un berger en satin blanc
          Oublia hier sous vos arcades.

Vos tiges sont de fines colonnades
Et non l’étui d’un glaive ou de poignards sournois…
Ô couloir de bambous, mystérieux pour moi
Comme une douce nuit profonde et verte,
N’enviez par l’arme qui tue ou blesse, l’arme ouverte
Ou cachée, à l’affût, qui se mouille de sang !... »

Et le beau tunnel vert, dans le soir qui descend,
          Me berce d’un bruit d’ailes,
Et c’est comme un grand bois qui s’endort – ou la mer,
          Quand la mer nous appelle
De toutes ses petites vagues au front vert,
Des vagues qu’on dirait chuchotantes dans l’air
          Et dont chacune aurait des ailes…

Pour un extrait autographié de ce poème, cliquer  >>>ICI<<<

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